Jeudi-Saint – La Cène et l’institution de l’Eucharistie

5. Le repas pascal proprement dit

Selon l’ordre que nous avons adopté, nous passons maintenant au festin pascal proprement dit. Une cérémonie si solennelle avait naturellement ses rites spéciaux, déterminés par une ancienne tradition, et nous pouvons être sûrs que Notre-Seigneur s’y conforma. Les évangélistes ne les décrivent pas. Saint Matthieu savait qu’ils étaient connus de ses lecteurs judéo-chrétiens ; saint Marc, saint Luc et saint Jean les jugeaient inutiles pour les Romains, les Grecs et les Asiatiques en vue desquels ils écrivaient tout d’abord. Les synoptiques vont droit au fait principal pour les chrétiens : la cène eucharistique. Nous connaissons du moins ces rites, grâce aux anciens documents juifs ; seulement, ils se sont développés après l’époque de Jésus-Christ, et il serait difficile d’indiquer ceux qui étaient strictement obligatoires. Ceux que nous allons mentionner paraissent avoir été regardés comme essentiels.

a. Le rituel juif du repas pascal, la cène demandée par la loi juïve

Le nombre des convives ne devait pas être inférieur à dix, ni dépasser le chiffre de vingt. Ils commençaient par se laver les mains. Lorsqu’ils avaient tous pris leur place, le père de famille ou celui qui le représentait prenait dans ses mains une coupe remplie de vin — habituellement de vin rouge —, légèrement trempé d’eau, et il la bénissait en récitant une prière dont les premiers mots étaient : « Sois béni, Seigneur notre Dieu, qui as créé le fruit de la vigne ». Il y trempait ses lèvres, et il la faisait circuler parmi les assistants, dont chacun devait en boire une gorgée. La table était ensuite apportée au milieu des divans. Après avoir prononcé une bénédiction spéciale sur les herbes amères, celui qui présidait au repas en prenait quelques feuilles, les trempait dans la sauce appelée haroset et les mangeait. Tous les autres convives faisaient de même. C’est alors seulement que l’agneau pascal était placé sur la table.

Puis, ainsi qu’il avait été prescrit dès l’époque de la sortie d’Égypte, le père de famille expliquait à l’assistance la signification de la fête de Pâque et de ses cérémonies particulières. À la suite de cette explication, on récitait la prière nommée Hallel, qui se composait des psaumes 112 et 113, (hébr., 113 et 114). Une seconde coupe était alors remplie et circulait comme la première. La seconde phase du repas s’achevait par la prière : « Sois béni, Seigneur notre Dieu, roi de l’univers, qui nous as délivrés, et qui as délivré nos pères de l’Égypte ».

Pour commencer le troisième acte, on se lavait de nouveau les mains. Le président prenait un pain azyme, le rompait en plusieurs morceaux, en mangeait sa part après y avoir ajouté des herbes amères et avoir trempé le tout dans le haroset ; puis il distribuait le reste aux convives. On procédait alors à la bénédiction de l’agneau pascal, qui était découpé délicatement et partagé entre les assistants. En même temps que lui, on servait d’autres viandes, et le rituel laissait une certaine liberté pour cette partie du repas ; mais il était réglé que l’agneau symbolique serait consommé en dernier lieu et qu’on ne mangerait plus rien ensuite. Le repas achevé, une troisième coupe, qu’on appelait « la coupe de bénédiction » parce qu’on la bénissait en employant une formule spéciale, était vidée comme les deux précédentes ; puis on chantait la seconde partie de la prière Hallel (les psaumes 114-117 ; hébr., 115-118). Une quatrième coupe terminait habituellement le festin. Néanmoins, si quelqu’un des convives le souhaitait, on pouvait en ajouter une cinquième, à la condition expresse de réciter le « grand Hallel » (les psaumes 119-136 ; hébr., 120-137) comme conclusion générale du repas. Toutes ces cérémonies prolongeaient considérablement la séance ; mais il était recommandé à l’assistance de se retirer avant minuit.

Tels étaient donc les principaux rites du festin pascal. Les quatre coupes, dont personne ne devait se dispenser, le divisaient en autant d’actes d’inégale durée, et en formaient, avec l’agneau, les pains azymes et le haroset, un des éléments principaux.

b. La cène légale et la Cène eucharistique se sont-elles succédé ou bien ont-elles étés confondues ?

Maintenant, une question se pose : Jésus aura-t-il d’abord célébré entièrement la cène légale, d’après la description qui vient d’en être faite, pour ne passer qu’ensuite à la cène eucharistique ? Ou bien les aura-t-il associées dans un mélange saint et harmonieux, en empruntant à l’ancienne Pâque quelques-unes de ses cérémonies et de ses formules ?

Les commentateurs des évangiles n’ont pas plus réussi à se mettre d’accord sur ce point que sur la date de la dernière cène du Sauveur, et ils se sont rangés tantôt à la première, tantôt à la seconde de ces hypothèses. Le nom de « coupe de bénédiction », donné, nous l’avons vu, à la troisième coupe, n’a pas peu contribué à fournir des adhérents à la seconde opinion. Comme saint Paul désigne le calice eucharistique par cette même appellation, on n’a pas manqué de voir dans cette coïncidence une preuve que Jésus aurait précisément consacré la troisième coupe, et transsubstantié en son sang le vin qu’elle contenait. Mais la coïncidence semble bien n’être que fortuite. Ce qui nous frappe davantage, c’est l’importance qui était attachée à la suite régulière des rites traditionnels.

Assurément, le Christ avait d’autant plus le droit de les modifier, qu’il posait actuellement un acte qui devait les abroger dans un prochain avenir. Mais des rares allusions que renferment les évangiles, et du respect que Jésus témoignait en général pour les rites sacrés, lorsque le pharisaïsme n’en avait pas défiguré l’esprit, nous croyons pouvoir conclure que, jusqu’à la quatrième coupe inclusivement, par conséquent jusqu’à la fin du festin légal, tout se passa d’une manière conforme aux rites accoutumés. Saint Luc, par exemple, ne dit-il pas que la coupe eucharistique fut consacrée par Jésus « après le souper ? » Il est vrai, par contre, que saint Matthieu et saint Marc, avant de raconter la consécration du pain, disent qu’elle eut lieu « pendant qu’ils mangeaient », c’est-à-dire pendant le repas. Mais ce dernier trait démontre peu de chose, puisque, en fait, ce que nous appelons, pour les mieux distinguer, la cène légale et la cène eucharistique, ne forma qu’un seul et même repas. Du reste, il n’est pas douteux que Jésus, pour instituer l’Eucharistie, employa des formules et se servit d’aliments empruntés à la Pâque Israélite.

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